article sur les fermes bio (permaculture)

Le point avec la lettre ci-dessous très documentée de « La protection de la santé » :

Demain, je crée ma ferme bio !

Chère amie, cher ami,
Quel citadin ne s’est jamais dit qu’il arrêtait tout demain pour s’installer dans le Larzac et créer sa ferme bio alors qu’il était coincé dans le métro, les embouteillages ou une longue file d’attente à la caisse d’un supermarché surpeuplé, sortie de bureau oblige ?

Ce rêve peut devenir réalité. Regardez le parcours magnifique de Charles et Perrine Hervé-Gruyer qui ont créé en 2006 la ferme du Bec Hellouin à deux pas de l’abbaye cistercienne du même nom, située en Normandie. [1]

Sur une surface cultivée de 5000 m2, la ferme produit 80 paniers de légumes bio hebdomadaires. Certains en déduisent, qu’on pourrait nourrir 10 familles à l’année avec une surface cultivée de 1000 m2 [2].

En Belgique, le Jardin des Fraternités ouvrières à Mouscron existe depuis 40 ans. Y poussent plus de 5000 variétés de légumes, céréales, fleurs, plantes aromatiques et médicinales, arbres fruitiers, et espèces anciennes sur 6500 m2 [3].

Ailleurs, un producteur de blé prétend produire 150 quintaux de blé à l’hectare en associant la culture du blé à celle du trèfle blanc alors qu’en Beauce les meilleures terres produisent 130 quintaux de blé par hectares en épuisant les sols [4].

Le « miracle » de la permaculture
Ces expériences réussies d’agriculture à fort rendement sont toutes liées à l’adoption d’une méthode particulière de culture que l’on appelle permaculture. Une méthode popularisée par Bill Mollison et David Holmgren, un scientifique et un écrivain australiens qui ont développé dans une série de livres grand public, les principes d’une agriculture permanente.  Les résultats extraordinaires en permaculture ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit d’un système totalement rationnel qui n’a donc rien de miraculeux: les résultats obtenus sont mesurables, et s’expliquent très bien. En effet, la permaculture s’appuie sur des techniques qui ont fait leurs preuves depuis des millénaires et ont été améliorées au fil des siècles au Japon, en Chine ou dans les pays Andins, pays où la production intensive est une condition de la survie des populations depuis longtemps.

Voici quelques exemples de technique utilisées :
Les interactions : la permaculture, c’est un peu la vie partagée entre différentes espèces végétales et animales qui vivent et coopèrent ensemble pour produire mieux et plus. Les légumineuses aident les céréales qui nourrissent les poules qui fertilisent les sols etc.
Le paillage : il faut couvrir le sol de déchets végétaux afin de préserver l’humidité, le protéger des herbes et insectes envahisseurs et apporter de l’engrais. La présence d’arbres mélangés à de nombreuses espèces pérennes assure le développement de plusieurs niveaux de cultures et permet une productivité verticale. La multiplication des zones tampons et interfaces (lisières, haies, différences de milieux…) favorise la biodiversité, les échanges et une productivité horizontale.

L’adaptation et la connaissance du terrain.
La force de la permaculture, c’est l’engagement et la connaissance du paysan-jardinier qui travaille avec la tête et les mains, pour optimiser son terrain, en se mettant au service de la nature. Il planifie son espace, ordonne ses cultures mais laisse à la nature sa part de liberté. La ferme permacole est d’abord une réussite de la nature. Enfin, ce modèle suppose un respect de l’homme dont l’effort est pris en compte. La ferme du Bec Hellouin par exemple, est constituée de zones concentriques. Près de la maison se trouve les espaces qui demandent le plus de travail comme le potager, puis le poulailler. Plus loin, on a semé des céréales, puis vient la forêt exploitée. La zone la plus éloignée est un cercle sauvage où la nature respire, sans être perturbée par l’activité humaine. Cette organisation permet une culture totalement biologique et améliore la productivité sur des surfaces de petites tailles. Mais ce n’est pas tout. La permaculture fait du paysan-jardinier un paysagiste et un esthète. A l’utile il associe le beau, au travail, la poésie.
Bien sûr, ces fermes demandent du soin, du travail et de la patience. Mais cela en vaut la peine car travailler à construire son jardin d’Eden a bien des avantages : augmentation de la productivité, enrichissement des sols, création d’emploi, de sens etc. Pour autant, est-il réaliste de supposer que cette approche puisse compléter significativement, voire remplacer le modèle existant ?

Nourrir 9 milliards d’êtres humains
Nous devrions être 9 milliards d’habitants sur la terre d’ici 2050, selon les prévisions démographiques (qui sont toujours à prendre avec précaution). La question de l’alimentation est donc un sujet majeur d’inquiétude. Cette préoccupation a servi de justification aux subventions agricoles partout dans le monde. Au sein de l’Union européenne, elles sont distribuées via la Politique Agricole Commune (PAC) créée en 1962. Ces politiques ont favorisé une intense mécanisation de l’agriculture et le développement d’une agriculture chimique dépendante des engrais, des herbicides, des pesticides et des fongicides. Et il est vrai qu’elles ont eu des résultats probants. Ces cinquante dernières années, la production du blé et du riz ont été multipliés par trois, ceux de la culture du maïs par cinq [5]
Résultat : nous n’avons jamais été aussi nombreux sur terre, et la proportion d’êtres humains mangeant à leur faim n’a jamais été aussi grande, même si de nombreuses personnes meurent encore de faim, aujourd’hui. Ce n’est pas un maigre exploit ! Et pourtant, les scientifiques sont inquiets.

Un modèle à bout de souffle
En réalité, la crise agricole est imminente. Pour s’en convaincre, il suffit de reprendre certains chiffres et indicateurs objectifs : Nous perdons chaque année, à l’échelle du globe 70 000 à 150 000 km 2 de terres arables. (C’est l’équivalent en superficie à plus de deux à trois Belgique par an !)
La déforestation concerne 130 000 à 150 000 km2 par an. La plupart des arbres que l’on replante (conifères ou eucalyptus) ont l’effet inverse du but recherché car ils appauvrissent et assèchent les sols.
L’activité des sols qui contiennent 80% de la biomasse chute constamment.
En France, l’équivalent d’un département est bétonné tous les 7 ans. Les déserts représentent 32 % de la terre, contre 11% autrefois. La production de bétail dans le monde (activité agricole la plus polluante) a augmenté de près de 20 % en 10 ans [6].
Depuis 10 ans, la progression de la production agricole est beaucoup plus faible. Les solutions existent ! Ces chiffres inquiétants ne doivent pas nous faire oublier que des solutions existent et que, si nos gouvernements feraient bien de s’alarmer, il est encore possible de réagir et de redresser la barre.
Par le passé, les savants n’étaient pas aussi pessimistes qu’aujourd’hui. Au XVIIe siècle, un savant hollandais, Antoine van Leuwenhoek, découvreur des spermatozoïdes au microscope, estimait que la terre pouvait nourrir plus de 13 milliards d’humains [7].
Or à l’époque, l’agriculture ressemblait davantage à la permaculture qu’à notre système moderne. Il est donc tout à fait possible d’envisager un renouveau de l’agriculture, même si cela ne sera pas sans difficultés. Il faut bien comprendre que l’accroissement des rendements des monocultures industrielles est un leurre. Les sols que nous épuisons aujourd’hui à produire de cette manière, n’auront plus rien à nous donner demain. Mais ceux qui auront pris de l’avance en développant des systèmes agricoles durables auront sans aucun doute, un avantage significatif par rapport aux autres. Et l’Europe n’est pas mal placée bien que, nous aussi, nous épuisions nos sols.
Pour éviter une crise agricole majeure et freiner le réchauffement climatique, six pistes d’actions sont à envisager (ou à renforcer) : Multiplier les fermes permacoles afin qu’elles représentent une part significative de la surface cultivée. L’agriculture biologique en France ne couvre que 4% du territoire.
Créer des départements (ou des cantons) biologiques et des zones naturelles à 100 %. Ces espaces garantissent une certaine biodiversité sur le territoire. Multiplier les forêts de feuillus et planter des arbres et des haies. C’est le seul moyen efficace de préserver l’humidité des sols et le renouvellement naturel. Développer des solutions naturelles pour l’agriculture et les faire connaître. A titre d’exemple, les travaux sur les champignons de Paul Stamets [8] sur la côte ouest des Etats-Unis méritent d’être explorés et divulgués à nos autorités et nos agriculteurs [9].
Changer notre alimentation en consommant moins de viande et en privilégiant les petits animaux. Si les protéines animales sont très utiles à la santé, il n’est pas nécessaire de prendre tous les jours, une grande portion de viande de bœuf ou de porc. En diminuant les cheptels de bétail et en privilégiant les petits animaux, on augmente la surface d’exploitation pour les végétaux et, on diminue la part de céréales (notamment le maïs) réservée au bétail. Faciliter la vie des agriculteurs : Ce point est particulièrement important. Il est évident que depuis 50 ans, les agriculteurs sont mis sous pression partout dans le monde. L’usage de pesticides à haute dose a fait des ravages. Ils travaillent de longues heures, ne sont pas toujours sûrs d’avoir une retraite, sont endettés et ne savent pas comment transmettre leur ferme ou leur domaine. Le monde agricole ne va pas bien car notre modèle est en panne.
Et lorsqu’ils tentent de développer des approches alternatives, ils sont poursuivis en justice. L’année dernière c’était Emmanuel Giboulot. Cette année, c’est au tour de Thibault Liger Belair. Il est traduit devant le tribunal pour ne pas avoir accepté de déverser des pesticides dans sa vigne contre la flavescence dorée. Une pétition de soutien a été lancée que vous pouvez signer ici.
Personne ne sait aujourd’hui comment réagir face aux nouvelles maladies qui apparaissent [10] : Il est temps de préparer l’avenir en proposant des alternatives crédibles.

Biologiquement vôtre,
Augustin de Livois

Sources :
[1] La Ferme biologique du Bec Hellouin
[2] Performance de la Permaculture et de l’Agriculture Biologique
[3] Du chômage vers le plus splendide des jardins en permaculture
[4] Faire un max de blé grâce à la permaculture : La méthode Fukuoka-Bonfils
[5] La production agricole mondiale continue d’augmenter
[6] Indice de production de bétail (2004 à 2006=100)
[7] Sept, dix ou quinze milliards d’humains : comment les nourrir ?
[8] Un champignon tueur d’insectes, le brevet qui dérange Monsanto
[9] Paul Stamets présente 6 manières de changer le monde avec les champignons
[10] Au chevet des oliviers du Salento